Dans le spectre qui va du souvenir précis à l’oubli total, la mémoire nous joue des tours, occultant ce que l’on croyait encore tout proche, faisant ressurgir une odeur de l’enfance très clairement identifiée ou encore, laissant dans notre esprit un sentiment vague de déjà-vu.

La mémoire de ce que l’on a vécu, des personnes ou des paysages rencontrés est une chose. La mémoire de la guerre de 14-18 lorsqu’on ne l’a pas vécue, celle d’un grand-père que l’on n’a pas connu est une tout autre chose. Dans les deux cas cependant, le souvenir nous parle de nous, du lien que nous entretenons avec le passé et du lien qui peut s’établir entre des lieux et des époques différentes. C’est par un exercice de mémoire collective que le visage d’un « poilu » de la première guerre mondiale peut réapparaître quelque 100 ans plus tard à des milliers de kilomètres du « Chemin des Dames ». C’est par un exercice de mémoire personnelle qu’un visage croisé furtivement au détour d’une ruelle indonésienne peut acquérir une nouvelle vie, le temps d’une exposition à l’autre bout du monde.

Mais la mémoire n’est jamais totalement « intacte », elle inscrit les souvenirs sur un continuum et leur attribue des valeurs cognitives et émotives extrêmement variables. Le lien s’effrite, se refaçonne… Les souvenirs recouvrent de nouvelles réalités : déformées, tordues, voire créées de toute pièce. 

Invention et création peuvent alors prendre racine sur le substrat de la mémoire.